Présentation générale
Le cours d’économie a pour objectif de doter les étudiants de connaissances qui leur permettront de mieux saisir les enjeux économiques attachés au programme d'Histoire, géographie et géopolitique du monde contemporain (HGG).
Module 1 : L’analyse économique : démarche, grands courants et thèmes centraux
- Chapitre 1 : Introduction aux raisonnements et méthodes en économie
- I. Les modèles de l'analyse économique
- La démarche de l'économiste repose, en général, sur l'élaboration de modèles, lesquels seront confrontés aux faits dans un second temps. Même si tout modèle est par définition une simplication, les modèles économiques sont le plus souvent caractérisés par un niveau d'abstraction élevé, ce qui peut les faire apparaître comme "déconnectés" de la réalité. Plusieurs élèments peuvent expliquer un tel niveau d'abstraction. D'abord, la science économique a souvent recours à la formalisation mathématique, dont l'avantage est la rigueur que les mathématiques apportent à l'analyse mais dont la contre-partie est ce niveau d'abstraction élevé qui peut conduire le modèle à un écart important avec une réalité nécessairement complexe. Ensuite, une spécificité de l'économie en tant que discipline est la demande sociale à son égard. La société attend des sciences économiques qu'elles apportent des solutions aux problèmes économiques que cette société rencontre. La science économique est donc censée avoir un pouvoir prescriptif, ce qui incite l'économiste à construire des modèles suffisamment simples pour conduire à des conclusions précises. Par exemple, l'économiste est censé pouvoir répondre précisément à la question des effets d'une hausse des taux d'intérêt de la banque centrale ; la société n'attend pas de lui qu'il réponde que la réalité est trop complexe pour s'autoriser une réponse précise. L'exigence d'une capacité prescriptive de la science économique contribue aussi à créer un flou quant au statut normatif ou descrptif des modèles économiques.
La science économique vue par Jean Tirole (Prix Nobel d'économie 2014) (vidéo 5:25)
- II. Le rapport aux faits
- Partons de ce que nous dit Jean Tirole : "[...], avec ce modèle, qui n'est [...] jamais [une représentation exacte] de la réalité, on essaie de le tester. On le teste de trois manières : soit on a des données historiques [...], soit on fait des expériences de laboratoire, soit on fait des expériences sur le terrain. Et donc, on essaie de savoir si notre théorie est à peu près juste, et si elle ne l'est pas, évidemment, il faut changer la théorie elle-même et revenir un peu aux hypothèses [...]".
- La confrontation de la théorie (modèles) aux faits repose en économie sur deux grands types de méthodes :
1) la méthode traditionnelle consiste en un travail statistique (économétrie) sur "données historiques" : les liens supposés par la théorie entre des grandeurs économiques sont testés en exploitant les statistiques disponibles.
2) la méthode expérimentale consiste à étudier les comportements des agents économiques dans un environnement contrôlé.
- Les avantages de la méthode traditionnelle (et, par conséquent, les inconvénients de la méthode expérimentale) sont, notamment, que le travail sur données historiques :
- permet d'analyser empiriquement la plupart des phénomènes économiques (la seule limite étant la disponibilité des données) alors que de nombreuses situations économiques (macroéconomiques en particulier) ne peuvent pas être reproduites dans un cadre expérimental,
- repose sur des données représentant les comportements "réels" d'individus agissant dans leur environnement naturel, alors que les données issues des expériences peuvent être entachées par l'influence probable que le contexte expérimental exerce sur le comportement des individu (il s'agit du problème de la "validité externe" des résultats des expériences)
- Le principal avantage de la méthode expérimentale est que le contrôle de l'environnement des individus permet d'opérer "toutes choses égales par ailleurs" (ceteris paribus) donc de révéler (ou non) les causalités affirmées par la théorie. En revanche, le travail sur données historiques permet essentiellement de révéler des corrélations. Ainsi, dans notre exemple des déterminants du niveau de consommation des ménages, l'observation statistique d'une corrélation entre le revenu et la consommation n'autorise pas à conclure à l'existence d'une causalité allant du revenu vers la consommation. D'abord, une corrélation peut être le fait d'une causalité inverse à celle supposé dans un modèle (dans notre exemple, c'est le niveau de consommation qui peut être la cause du revenu, donc du niveau de l'activité économique, et non l'inverse). Ensuite, la corrélation observée peut être le fruit de l'influence de la multitude des facteurs qui, dans l'environnement naturel (et complexe) des agents économiques, agissent sur leur consommation (le niveau général des prix, les taux d'intérêt, etc., ainsi, possiblement, des facteurs inobservables ou insoupçonnés).
Le document 1.1.a (ci-dessous) donne un exemple d'expérience ("de terrain"), dont un des auteurs est Esther Dublo, prix Nobel d'économie 2019, et qui porte sur le rôle de l'incitation financière dans la lutte contre l'absentéisme des enseignants. Un autre exemple est celui donné par Gneezy et Rustichini (2000), "A Fine is a Price" (document 1.1.b), expérience ("de terrain") montrant, à l'opposé des prédictions de la théorie économique standard, l'inefficacité des sanctions financières ("amende") dans la lutte contre le retard des parents venant chercher leurs enfants dans une crèche (une expérience vraisemblablement méconnue de la mairie de Toulouse, laquelle a mis en place à la rentrée 2024 une amende de 30 euros pour retard à l'encontre des parents venant chercher leurs enfants au centre de loisir).
- Chapitre 2 : Éléments d'histoire de la pensée économique
- Support : la fresque d'histoire de la pensée économique du site citeco.fr
- L'histoire de la pensée économique est marquée par des oppositions entre des grands courants qui proposent des lectures différentes de la manière dont fonctionnent les économies. Elle est aussi caractérisée par la domination de certains de ces courants à différentes périodes, une domination qui s'accompagne de la formation d'un consensus (mais jamais d'une unanimité) à propos de certaines questions économiques (les places respectives de l'Etat et du marché dans l'allocation des ressources, le rôle de la politique monétaire ou de la politique monétaire, etc.). L'évolution des idées dominantes a aussi pour corrollaire des définitions variables de l'orthodoxie et de l'hétérodoxie et des déplacements de certains courants vers l'un ou l'autre de ces deux ensembles (cas de la pensée keynésienne qui appartient à l'hétérodoxie à sa naissance, avant de dominer la pensée économique après la Deuxième Guerre mondiale et constituant ainsi l'orthodoxie).
- I. Des classiques aux néoclassiques
- Il est convenu de situer la naissance de la pensée économique moderne avec la publication de l'ouvrage majeur d'Adam Smith, Essai sur la nature et la causes de la richesse des nations (1776), qui elle-même va donner naissance au courant dit classique. Le concept le plus célèbre associé à la pensée de Smith est la main invisible. En affirmant que laisser les individus poursuivre leur intérêt personnel conduit à l'intérêt général, Smith légitime le laisser-faire dans la mesure où la "main invisible" du marché et de la concurrence harmonise les décisions individuelles de telle sorte, qu'au niveau collectif, la situation obtenue est la meilleure, au sens de la plus efficiente (le bien-être collectif est maximal, ce qui signifie en particulier que la richesse créée est, compte des ressources disponibles, maximisée). Chez Smith, le rôle de la main invisible ne concerne pas seulement l'économie interne mais aussi le commerce extérieur : sa théorie du commerce international légitime là aussi le laisser-faire, autrement dit le libre-échange ; une prescription qui va à l'encontre des idées mercantilistes, qui restent dominantes fin XVIIIe - début XIXe.
David Ricardo, quelques décennies plus tard (son ouvrage majeur, Principes de l'économie politique et de l'impôt, est publié en 1817), va lui aussi développer des analyses légitimant le laisser-faire, donc le libéralisme économique, la non intervention de l'Etat dans l'organisation économique. Il va notamment être à l'origine de la théorie des avantages comparatifs, qui va devenir la théorie dominante du commerce international dans les courants classique puis néo-classique. Ricardo est aussi l'un des premiers auteurs à développer une théorie de la croissance économique (évolution sur le long terme de la quantité de biens et services produits) ; il apparaîtra à cet égard comme un économiste classique pessimiste puisque sa théorie conduit à prédire une marche vers un état stationnaire.
Le français Jean-Baptiste Say, dans son ouvrage Traité d'économie politique (1803), est, quant à lui, à l'origine d'une autre idée centrale dans la pensée classique et néo-classique : la loi de Say (ou loi des débouchés) selon laquelle l'offre crée sa propre demande et impliquant que, dans des économies de laisser-faire, les crises de surproduction généralisées sont impossibles.
- Le courant néo-classique nait au début des années 1870 avec la publication quasi-simultanée des ouvrages de Léon Walras (Eléments d'économie politique pure, 1874), Stanley Jevons et Carl Menger. Les travaux de ces trois auteurs se distinguent de la démarche des classiques par l'adoption d'une méthode hypothético-déductive et d'une démarche (exclusivement) microéconomique (laquelle, par définition, part de l'étude des comportements individuels pour parvenir à une représentation de l'économie au niveau global). Dans le prolongement des idées libérales des classiques, le courant néo-classique cherche à déterminer les conditions théoriques pures (présentées généralement sous forme mathématique) garantissant l'existence d'une économie de marchés concurrentiels (laisser-faire) à la fois efficiente (allocation optimale des ressources, main invisible) et en équilibre (loi de Say). La démarche microéconomique conduit à l'élaboration de deux ensembles de conditions (constituant les deux piliers de la théorie néo-classique) : l'un concernant les comportements individuels (modèle de l'homo oeconomicus : agent économique rationnel et optimisateur), l'autre concernant le mode de coordination des décisions individuelles (modèle de concurrence parfaite). Les 4 (+1) conditions de la concurrence parfaite sont : l'atomicité, l'homogénéité des produits, la libre entrée et sortie et la transparence (+ la libre circulation des facteurs de production). Le non respect d'une ou plusieurs de ces conditions implique que certains (au moins 1) offreurs ou demandeurs auront un pouvoir de marché, défini comme le pouvoir de "faire le prix" ("price maker") sur le marché considéré. Par exemple, l'existence d'un monopole (ou d'un monopsone) est un cas typique de transgression de l'atomicité (document 1.2.a). La transgression de l'homogénéité peut quant à elle provenir d'une stratégie de différenciation de la part des offreurs : en recourant à la publicité ou au marketing, ils cherchent à "s'attacher" les acheteurs, indépendamment du prix auquel leur produit est offert. L'absence de libre entrée est une autre source évidente de pouvoir de marché, garanti ici par l'existence de barrières à l'entrée sur le marché : les barrières peuvent être d'ordre légal (réglementations telles que les brevets, barrières douanières) ou technique (tel que les coûts fixes importants liés à des investissements en infrastructures préalables à la production). L'absence de transparence est notamment liée à l'existence d'asymétries d'information : certains offreurs ou demandeurs disposent d'une information privée (connue exclusivement d'eux mêmes) qui leur donne un avantage dans la transaction, créant ainsi une distorsion de concurrence (l'exemple type est l'information privilégiée qui peut donner un avantage à son détenteur sur le marché des actions). La condition de libre circulation des facteurs de production renvoie au fait, qu'en amont, l'absence de concurrence parfaite sur les marchés des facteurs de production (travail, capital), se traduit, en aval, par des distorsions de concurrence sur la marché du bien dont la production nécessite le recours à ces facteurs de production ; notons toutefois que si nous attendons au sens large la condition de libre entrée et sortie (sur tous les marchés), celle-ci implique également la libre circulation des facteurs de production.
Le développement de la théorie néo-classique se poursuit au XXe siècle, se traduisant par l'apparition de nouvelles branches de la théorie néo-classique (prolongement de la théorie de l'équilibre générale avec Arrow et Debreu, courant monétariste avec Friedman, les nouveaux classiques avec Lucas, etc.), qui conservent comme "points d'ancrage" la loi de Say (équilibre) et la main invisible (efficience) et, pour le dire vite, la légitimation du laisser-faire.
- II. L’analyse keynésienne
- Le courant keynésien nait dans l'Entre-Deux guerres avec les travaux de John Maynard Keynes, dont son ouvrage majeur La Théorie générale de l'emploi et de la monnaie (1936). Le coeur de la théorie keynésienne est le rejet de la loi de Say. Ce rejet est lié à l'idée d'une insuffisance récurrente de la demande globale qui serait une caractéristique des économies de marché. Dès lors, non seulement les crises sont hautement probables (et non impossibles) mais, aussi, les sorties de crises nécessitent une intervention de l'Etat afin de relancer cette demande. Les instruments de la relance sont la politique monétaire (supposée permettre une relance de l'investissement privé) et la politique budgétaire (augmentation des dépenses publiques sans augmentation des impôts). "A long terme, nous sommes tous morts" : cette phrase de Keynes traduit l'idée selon laquelle l'équilibre macroéconomique (censé être garanti par les mécanismes de marché dans la théorie (néo-)classique) est envisageable à long terme, sans intervention de l'Etat, mais le chômage (involontaire) et la pauvreté qui accompagnent les crises exigent de faire du court terme l'horizon des politiques macroéconomiques (conjoncturelles).
- La pensée keynésienne va devenir dominante au cours des trente glorieuses, tant au niveau académique que dans l'influence sur les politiques économiques effectivement menées, au travers du courant dit de la "synthèse" (Hicks, Samuelson) qui va légitimer les politiques de régulation de la conjoncture : relance de la demande ("go") en cas de récession et de montée du chômage et stabilisation ("stop") en cas d'inflation ("surchauffe"). A partir des années 1970-1980, le renouvèlement de la pensée keynésienne est incarnée par les "nouveaux keynésiens" (Stiglitz). Un autre courant issu de la pensée de Keynes, les "post-keynésiens", va continuer, quant à lui, à promouvoir les idées les plus radicales de La Théorie générale.
- III. Les courants hétérodoxes
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Les auteurs et courants hétérodoxes (dominés tant dans le champ académique que dans l'influence sur les politiques économiques mises en œuvre) sont souvent classés comme tels en fonction de deux critères principaux : leur rapport à la notion d'équilibre économique et le rôle qu'ils font jouer aux rapports sociaux et institutions autres que le marché et l'Etat dans la coordination et l'allocation des ressources.
- Dans l'analyse économique orthodoxe (tant classique et néo-classique que keynésienne), l'équilibre économique est considéré comme un objectif à la fois réalisable et souhaitable. L'équilibre économique est atteint soit en laissant faire le marché (pensée classique et néo-classique) soit en corrigeant les mécanismes de marché par une intervention de l'Etat (pensée (néo-)keynésienne), et cet équilibre est une condition de la prospérité économique. En revanche, les économistes considérant que l'économie de marché est intrinsèquement instable et que le déséquilibre est l'état "normal" de cette économie sont habituellement classés parmi les économistes hétérodoxes. D'autant plus si, de surcroît, le déséquilibre est associé à la prospérité économique.
Un des auteurs les plus connus s'inscrivant dans cette perspective est J.A. Schumpeter (1883-1950), pour lequel l'innovation est au cœur de la dynamique économique : les "grappes d'innovation" sont à la fois la cause d'un déséquilibre permanent de l'économie capitaliste et la source de la croissance économique (sur le long terme).
- L'analyse économique orthodoxe consiste à étudier le fonctionnement du marché, vu comme mode de coordination unique ou, du moins, central lorsque l'intervention de l'Etat est jugée nécessaire dans certaines situations. La "main invisible" (Smith) est le concept qui traduit le mieux cette représentation : les individus à la recherche de leur intérêt personnel interagissent entre eux et se coordonnent via les prix qui découlent des seuls mécanismes de marché. Or, de multiples institutions, définies au sens large de règles formelles et informelles, encadrent, c’est-à-dire à la fois guident et contraignent, les actions des individus. Par exemple, certaines règles sociales ou certaines croyances (religieuses...) peuvent déterminer ces actions de telle sorte que les rapports marchands (notamment la fixation des prix) ne sont que la manifestation de ce cadre social, culturel...
Ainsi, chez Marx, avec de comprendre toute activité économique au sein du mode de production capitaliste, il faut partir de la structure fondamentale du capitalisme : la séparation de la société en deux classes, celle qui possède les moyens de production (bourgeois capitalistes) et celle qui ne possède que sa force de travail (prolétaires).
Les courants dits institutionnalistes auront ce point commun avec Marx, en considérant que le fonctionnement de l’économie ne peut se comprendre sans prendre en compte les rapports sociaux qui régissent le comportement des individus. Par exemple, chez Veblen, le comportement de consommation ne être réduit au comportement d’un individu rationnel isolé de la société ; d’où sa notion de « consommation ostentatoire », amenant à un rapprochement entre analyse économique et analyse sociologique.
- Economistes : pluralisme ou sens unique ? (invité : André Orléan ; vidéo 28:04)
- Chapitre 3 : Les analyses économiques de la croissance et des crises
- Introduction.
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La croissance économique se définit par "l'augmentation soutenue pendant une ou plusieurs périodes longues d’un indicateur de dimension, pour une nation, le produit global net en termes réels" (Perroux). Il s'agit donc d'un phénomène de long terme (le trend), dont l'analyse se distingue de celle des phénomènes de court ou moyen terme que sont les cycles ou fluctuations (évolutions "autour" du trend) et les crises (points hauts de retournement du cycle).
- I. Les facteurs de la croissance économique
- L'analyse économique de la croissance consiste généralement, dans un premier temps, en l'élaboration de modèles liant (mathématiquement) un ensemble de variables explicatives (les facteurs de la croissance économique) à la croissance du PIB (la variable expliquée). La liste des variables explicatives peut être plus ou moins étendue selon les objectifs poursuivis par le modélisateur et selon les hypothèses qu'il formule. Une version fréquemment utilisée repose sur une fonction à deux facteurs de production (Y=F(K,L)) : la croissance économique (croissance de Y) s'explique alors par une combinaison de la croissance de la quantité de travail (croissance de L) et de la croissance du stock de capital (croissance de K). Une version un peu moins parcimonieuse peut reposer, par exemple, sur la fonction de production Y=A.F(L,K,H,N) : ici, la croissance économique est expliquée par une combinaison de la croissance de la quantité de travail (L), de celle du stock de capital physique (K), de celle du stock de capital humain (H), de celle des ressources naturelles (N), ainsi que par des gains de productivité globale des facteurs (A). Les gains de productivité globale des facteurs (PGF) peuvent s'expliquer par le progrès technologique, qui améliore l'efficacité de tous les facteurs de production, mais aussi, notamment, par diverses évolutions institutionnelles et organisationnelles qui contribuent à cette amélioration. Le travail de l'économiste peut ensuite consister à tester empiriquement le modèle (théorique) de croissance, afin en particulier de mesurer la contribution à la croissance économique des différents facteurs de croissance considérés : c'est ce qu'on appelle la "comptabilité de la croissance". Le travail peut aussi consister à "remonter l'enchaînement des causalités" en cherchant, par exemple, à déterminer les causes des gains de productivité globale des facteurs ou de l'accroissement du capital humain. Cette perspective est par exemple celle adoptée par Acemoglu, Johnson et Robinson, récipiendaires du Prix Nobel d'économie 2024 : en cherchant à expliquer pourquoi certains pays ne sont pas parvenus à connaître un processus de croissance économique soutenue et pérenne (Why Nation Fail est le titre de leur ouvrage publié en 2012), ces auteurs ont mis l'accent sur le rôle déterminant de la qualité des institutions (en particulier, l'importance d'institutions politiques démocratiques).
- La forte croissance des trente glorieuses (le PIB croit de 5% par an en France, en moyenne sur la période 1951-1969) s'explique en effet par un accroissement des quantités de travail (hausse de la population active) et, surtout, de capital physique (investissement) (document 1.3.a). L'amélioration de la "qualité du travail", due en grande partie à l'accroissement du capital humain, joue également un rôle important (elle explique 0,6 points, sur les 5 points de croissance dans le cas de la France, selon l'étude de comptabilité de la croissance de Carré, Dubois et Malinvaud. Autrement dit, les gains de productivité du travail ont grandement contribué à cette croissance. Cependant, après avoir estimé les autres contributions mesurables à la croissance, il reste une partie quantitativement inexpliquée de la croissance : c'est ce qui est nommé par les économistes le "résidu", lequel représenterait la moitié (2,5 points sur 5) de la croissance française des trente glorieuses selon Carré, Dubois et Malinvaud. C'est alors que l'observation historique nous amène à envisager les mutations, en particulier techniques et institutionnelles, qui peuvent vraisemblablement expliquer ce résidu. Les trente glorieuses sont en effet marquées par un fort interventionnisme économique et social de l'Etat. La place croissante de l'Etat dans l'économie (nationalisations, planification indicative...) a pu favoriser la croissance directement, via les investissements publics notamment, ou indirectement en créant un cadre incitatif pour l'initiative privée. Parallèlement, le "triomphe" de l'Etat providence (protection sociale, lutte contre la pauvreté et les inégalités) a lui aussi peut contribuer à une plus grande efficacité économique, directement, en améliorant par exemple, la qualité du travail (santé, éducation), mais aussi indirectement en créant un cadre incitatif source de gains de productivité. En effet, si le progrès social est souvent considéré comme une conséquence du progrès économique, il est peut également être vu, tant dans les pays avancés que dans les pays en développement, comme une condition de l'efficacité économique en permettant une large participation et une forte implication de la population dans la création de richesses (voir le document 1.3.b. sur ce que Rodrik et Subramanian appellent les institutions "légitimatrices des marchés").
- Un article sur Douglass North et les institutions (à lire).
- II. Les crises et les fluctuations
- Les fluctuations économiques sont une alternance récurrente de phases d'expansion (croissance du PIB supérieure à sa moyenne de long terme) et de phase de récession (croissance du PIB inférieure à sa moyenne de long terme mais qui risque positive) ou de dépression (croissance du PIB négative). Ces fluctuations du PIB s'accompagnent de celles d'autres variables macroéconomiques telles que le chômage (lequel tend à diminuer en phase d'expansion et à augmenter en phase de récession ou de dépression) ou l'inflation (laquelle tend à augmenter en phase d'expansion et, sauf exception, à diminuer en phase de récession-dépression, voire à se transformer en déflation, c'est-à-dire en une baisse du niveau général des prix).
Les cycles sont généralement considérés comme synonymes de fluctuations, bien que certains analyses considèrent les cycles en tant que phénomènes récurrents et périodiques (2-3 ans pour les cycles Kitchin, 8-10 ans pour les cycles Juglar et 50 ans environ pour les cycles Kondratieff).
Les crises correspondent au point haut de retournement du cycle. On distingue les crises conjoncturelles qui s'inscrivent dans les mouvements courts de l'économie (de type Juglar) et les crises structurelles qui s'inscrivent dans les mouvements longs (de type Kondratieff). Le terme crise est toutefois souvent réservé à des dégradations de grande ampleur de la conjoncture et/ou marquant l'entrée dans une phase plus longue de "morosité" économique, impliquant donc des mutations structurelles et institutionnelles. Ainsi, nous parlons habituellement de la crise de 1873, de celles de 1929, de 1973-74 et de 2008 mais nous privilégions souvent le terme récession (plutôt que crise) pour les retournements conjoncturels du début des années 1980, du début des années 1990 ou du début des années 2000.
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Les théories économiques des crises opposent les analyses considérant les causes des crises comme exogènes (c'est-à-dire, non dues au fonctionnement du système économique lui-même) et celles les considérant comme endogène (les crises économiques seraient "produites" par le système économique lui-même, inhérentes à ce système, donc inévitables).
Dans le courant classique et néo-classique, la "loi de Say" (ou "loi des débouchés") constitue la référence centrale : l'offre crée sa propre demande, donc les crises de surproduction généralisées n'existent pas. Selon cette "loi", tout produit fabriqué génère des revenus (salaires, dividendes) qui vont alimenter une demande. Il ne peut donc y avoir de d'insuffisance de demande (débouchés) au niveau global (macroéconomique). Les crises économiques ne sont en réalité, selon Jean Baptiste Say, que des crises symétriques et localisées : si une insuffisance de débouchés se manifeste dans un secteur (l'offre est supérieure à la demande) alors il existe nécessairement un autre secteur qui se trouve dans une situation symétrique (la demande est supérieure à l'offre). De telles crises proviennent de chocs exogènes, pouvant toucher la demande (changements dans les préférences des consommateurs) ou l'offre (aléas climatiques, chocs de productivité). Elles se résorbent "naturellement", grâce aux mécanismes de marché, et d'autant plus facilement et rapidement que ces marchés sont flexibles, notamment pour permettre aux capitaux et au travail de se déplacer des secteurs en crise (faillites, chômage) vers les secteurs "en tension". Nous retrouvons donc les prescriptions habituelles au sein du courant classique et néo-classique : le laisser-faire, la levée de tous les obstacles à la flexibilité des marchés.
Le courant keynésien, dont une caractéristique centrale est le rejet de la loi de Say, a nécessairement une conception différente des causes des crises et des moyens de les résorber. Selon Keynes, lorsque la demande (effective) est inférieure à l'offre, il n'existe aucun mécanisme "naturel" de l'économie de marché ramenant à l'équilibre macroéconomique (de plein-emploi). Or, la possibilité d'une chute de la demande est considérée comme hautement probable du fait de l'instabilité de l'investissement (qui avec la consommation constitue les deux composantes de la demande globale, en économie fermée). L'investissement est en effet dépendant du "climat des affaires" (les anticipations des entrepreneurs concernant les débouchés futurs, incertains), donc soumis inévitablement, bien que de manière imprévisible, à des vagues d'optimisme mais aussi de pessimisme (chute de la confiance dans l'avenir). Et puisque, une fois déclenchée, une crise économique ne se résorbe pas d'elle-même (et peut même s'aggraver lorsque s'enclenche une spirale dépressionniste), seule une politique de relance (intervention de l'Etat en matière budgétaire ou monétaire) peut ramener l'économie à un équilibre de plein-emploi (la politique de régulation conjoncturelle pouvant même maintenir durablement l'économie de marché proche de cet équilibre).
D'autres théories économiques considèrent les crises économiques comme endogènes et inévitables (y compris en tentant de mettre en oeuvre des politiques de lutte contre les crises). L'analyse marxiste, par exemple, considère les crises comme inévitables dans la mesure où le mode de production capitaliste serait caractérisé à la fois par une tendance à une croissance excessive de l'offre (car les entreprises capitalistes sont condamnées à "croitre ou mourir") et par des débouchés limités (notamment parce que les salaires sont maintenus à un niveau faible, celui permettant "la reproduction de la force de travail") : cette croissance déséquilibrée de l'offre et de la demande amène inéluctablement à des crises récurrentes, lesquelles constituent un moment où la destruction de capital (faillites d'entreprises...) permet, pour un temps, d'entrer dans une nouvelle phase d'expansion. Cette idée que les crises seraient à la fois inévitables et un moment de restauration de l'efficacité économique n'est pas propre à l'analyse marxiste. Nous la retrouvons en effet dans différentes analyses des cycles où la crise peut apparaître comme "naturelle" et souhaitable, par exemple parce qu'elle a un effet de "purge", d'élimination des facteurs de productions les moins efficaces, ou parce qu'elle permet de corriger les "excès" (en matière d'investissement) de la période précédente.
Module 2 : Mondialisation(s), construction européenne, développement durable
- Chapitre 1 : Les mondialisations et les débats relatifs à l'ouverture internationale
La mondialisation est un processus d'interdépendance accrue des économies nationales au niveau mondial. Cette interdépendance accrue peut s'observer dans différents domaines de l'économie. On distingue donc plusieurs composantes de la mondialisation : les mondialisations commerciale (la plus étudiée dans la théorie économique), financière (ou "globalisation financière"), des firmes (liée à l'internationalisation des entreprises et à la multiplication des "firmes multinationales"), du travail (liée aux mouvements migratoires), de la technologie (liée à la diffusion des innovations dans le monde).
La mesure du phénomène de mondialisation suppose de choisir des indicateurs de l'ampleur de l'interdépendance entre les pays, ce qui permet notamment de faire des comparaisons dans le temps et de distinguer des périodes d'accélération de la mondialisation ou, au contraire, de "démondialisation". Concernant la mondialisation commerciale, l'indicateur principal est le taux d'ouverture qui mesure, au niveau d'un pays, d'une région ou du monde, le rapport entre la valeur du commerce extérieur (exportations + importations) et le Produit intérieur brut (PIB) (le rapport exportations / PIB est aussi souvent utilisé).
- I. Causes et effets positifs attendus de l'ouverture commerciale
- Nous pouvons distinguer 3 grandes causes au développement des échanges commerciaux avec l'extérieur (ou, au contraire, au recul de ces échanges). L'ouverture commerciale ("de fait") dépend en effet : du progrès technique, de la croissance économique et de la politique commerciale (ouverture "de jure").
1) Le progrès technique, plus particulièrement les progrès dans les moyens de communication, joue un rôle majeur dans l'ouverture commerciale. Au XIXe siècle, le commerce extérieur a été favorisé par le développement du transport maritime (bateaux à vapeur), le transport ferroviaire (échanges intra-continentaux, acheminement des marchandises vers les ports), le développement du télégraphe puis du téléphone. Au XXe siècle, ce sont les transports routiers et aériens qui ont offert de nouveaux moyens d'acheminement des marchandises, alors que la "révolution des conteneurs" à partir des années 1960 allait donner un nouvel élan à l'efficacité du transport maritime.
2) La croissance économique stimule le commerce international dans la mesure où, indépendamment du niveau des barrières douanières (en dehors du cas extrême de l'autarcie), une augmentation des quantités de biens et services produits sur le territoire nécessite des importations supplémentaires (matières premières, etc.) et augmente les biens et services offerts par les entreprises domestiques, lesquels alimentent la demande interne mais aussi la demande externe. Le rôle de la croissance économique dans le développement du commerce international est toutefois difficile a évaluer puisqu'un lien de causalité inverse est également à l'oeuvre : le commerce international stimule la croissance économique.
3) Une politique commerciale "libre-échangiste" (abaissement des barrières douanières) favorise a priori le commerce international, puisque l'ouverture "de jure" devrait logiquement favoriser l'ouverture "de fait". Le rôle de la politique commerciale se heurte toutefois au paradoxe de Bairoch. L'historien Paul Bairoch a mis en évidence une corrélation positive entre montée des droits de douane et croissance du commerce international vers la fin du XIXe siècle, c'est-à-dire dans le contexte de la "première mondialisation". L'auteur suggère que la libéralisation commerciale entamée à partir de 1860 (traité Cobden-Chevalier) aurait joué un rôle majeur dans la Grande dépression débutée au milieu des années 1870 et que, symétriquement, le retour du protectionnisme (tarifs Bismarck de 1879 en Allemagne puis Méline en 1892 en France) aurait permis le retour de la croissance qui, à son tour, aurait "tiré" vers le haut les échanges commerciaux avec l'extérieur. Si une corrélation, au contraire, négative entre droits de douane et croissance du commerce international s'observe à d'autres moments de l'histoire (notamment après les accords du GATT de 1947), le paradoxe de Bairoch amène donc cependant à la fois à nuancer le rôle de la politique commerciale dans le développement du commerce international et à soulever des doutes sur la portée de cette relation positive a priori logique entre libre-échangisme et croissance du commerce international.
- Depuis Adam Smith, il existe un large consensus au sein de la théorie économique en faveur de l'ouverture commerciale sur l'extérieur.
Dans la Richesse des Nations, Smith s'oppose aux idées mercantilistes, dominantes à son époque. Les mercantilistes voient le commerce international comme un jeu à somme nulle, c'est-à-dire qui ne peut permettre à certains pays d'en tirer des gains que si d'autres pays y perdent. Selon eux, un pays ne gagne à l'échange commercial que s'il dégage un excédent commercial : il faut parvenir à vendre le plus possible à l'extérieur (exportations) et à acheter le moins possible (importations) et ainsi dégager un excédent monétaire.
Smith montre au contraire que les gains qui peuvent être tirés du commerce international sont issus de l'amélioration de la spécialisation de l'appareil productif permise par la possibilité, via les importations, de laisser à d'autres pays la production de biens pour lesquels un pays est peu efficace (théorie des avantages absolus). David Ricardo va prolonger le raisonnement de Smith en s'appuyant sur le célèbre exemple du drap et du vin en Angleterre et au Portugal. Dans cet exemple, le Portugal produit à un moindre coût que l'Angleterre à la fois le vin et le drap. Le Portugal a donc un avantage absolu dans la production des deux biens et, selon la théorie de Smith, les deux pays n'auraient pas intérêt à échanger. Cependant, toujours dans l'exemple de Ricardo, l'écart de coût de production entre le Portugal et l'Angleterre est plus important pour le vin que pour le drap : le Portugal a donc un avantage relatif plus important dans la production de vin que dans celle du drap. Dès lors, bien qu'ayant un avantage absolu dans la production de drap, le Portugal a intérêt à se spécialiser dans la production de vin (le bien pour le lequel il a un avantage relatif) et à importer du drap depuis l'Angleterre, autrement dit à affecter tous ses moyens de production à la production pour laquelle il est relativement le plus efficace. Cette théorie des avantages comparatifs (ou relatifs) est au coeur de l'idée selon laquelle le commerce international est à jeu à somme positive, au sens où tous les pays gagnent à l'échange commercial international (échanges mutuellement avantageux) du fait des gains d'efficacité productive issus de la spécialisation des appareils productif.
Les développements de cette théorie vont notamment porter sur les sources des avantages comparatifs. Dans le modèle de Ricardo, les avantages comparatifs s'expliquent par des différences de technologies : ce sont des techniques de production relativement plus efficaces qui expliquent l'avantage relatif du Portugal dans la production de vin. Dans le modèle dit HOS (Heckscher-Ohlin-Samuelson), qui deviendra le modèle de référence au XXe siècle, la technologie est supposée se diffuser dans l’ensemble des pays (tous les pays ont la même technologie). Ce sont alors les dotations factorielles (relatives) qui expliquent les différences de coûts de production selon les pays, donc leurs avantages comparatifs. Ainsi, un pays abondant en facteur travail se spécialisera dans les biens intensifs en facteur travail, c’est-à-dire des biens dont la production requière principalement du travail pour être produit. Un pays abondant en facteur capital se spécialisera quant à lui dans la production de biens intensifs en capital. Notons que les avantages comparatifs, donc les spécialisations, donc la « division internationale du travail » (DIT), ne sont pas immuables. Le progrès technique dont bénéficient certains secteurs dans un pays (cadre ricardien) ou une croissance démographique ralentie (cadre HOS), par exemple, peuvent expliquer qu’un pays tende à abandonner la production de certains biens (la production et les exportations de ce bien diminuent, les importations augmentent) au profit de la production d’autres biens.
Une précision importante pour finir sur la théorie des avantages comparatifs. Selon cette théorie, le seul rôle que l’Etat doit jouer est de supprimer les barrières douanières (politique commerciale libre-échangiste) : après l’ouverture, la spécialisation s’opère « naturellement » par le jeu des mécanismes de marchés supposés concurrentiels.
Outre la meilleure allocation des ressources, donc le gain d’efficacité économique, que tout pays est censé tirer de la spécialisation de l’appareil productif grâce à l’ouverture commerciale, le deuxième effet positif de cette ouverture mis en avant par la théorie économique est l’exploitation des économies d’échelle (ou rendements d'échelle croissants) sur des marchés étendus. L'idée générale est que, dans la mesure où le coût unitaire (coût moyen) de production d'un bien diminue avec la quantité produite, l'étendue accrue des marchés permise par l'ouverture commerciale permet une production plus efficace du bien. Dans l'article fondateur des "nouvelles théories du commerce internationale", Paul Krugman, Prix Nobel d'économie 2008, propose un modèle dans lequel "Trade is driven by economies of scale, which are internal to firms. Because of the scale economies, markets are imperfectly competitive. Nonetheless, one can show that trade, and gains from trade, will occur, even between countries with identical tastes, technology, and factor endowments." (Krugman (1979), Abstract). Il s'agit donc de montrer qu'un commerce mutuellement avantageux entre les pays peut exister même lorsque ceux-ci sont strictement identiques du point des préférences ("tastes") des consommateurs, des technologies disponibles et des dotations factorielles ; autrement dit de montrer que des échanges commerciaux peuvent s'expliquer d'une autre manière que par des différences d'avantages comparatifs. On parle, plus généralement, à propos des échanges commerciaux expliqués par les économies d'échelle, d'échanges "similaires-similaires", c'est-à-dire d'échanges de produits similaires entre pays similaires. En pratique, dans la mesure où les productions caractérisées par des économies d'échelle concernent d'avantage les produits manufacturés (que les produits primaires, notamment agricoles), ces échanges similaires-similaires sont principalement des échanges de produits manufacturés entre pays développés. Or, les échanges de produits manufacturés entre pays développés ont dominé le commerce mondiale entre la Deuxième guerre mondiale et les années 1980 : les économies d'échelle constituent alors la principale explication de la spécialisation des pays (DIT) au cours de cette période (voir le document 2.1.a).
- II. Les autres composantes de la mondialisation (firmes multinationales et globalisation financière)
- A côté de l'accroissement des flux internationaux de biens et services (composante commerciale), la mondialisation est aussi caractérisée par un développement de mouvements de capitaux internationaux. Ces capitaux prennent des formes diverses : investissements directs à l'étranger (IDE), investissements de portefeuille (achats et ventes de titres financiers à l'étranger), crédits internationaux, etc.
De manière similaire au cas de la mondialisation commerciale, les causes de l'accroissement des flux de capitaux internationaux sont multiples mais la libéralisation financière (levée des obstacles réglementaires) et le progrès technique (circulation de l'information) sont des facteurs déterminants.
- Les IDE sont un des canaux par lesquels les firmes s'internationalisent : prises de contrôle d'entreprises étrangères, création de filiales à l'étranger. L'évolution des IDE (flux, stocks) constitue donc une donnée importante pour mesurer l'ampleur de la mondialisation des firmes. Parmi les facteurs incitent les firmes à développer leurs activités à l'étranger se trouvent :
1) l'exploitation des avantages comparatifs des pays, par exemple l'abondance de main d'oeuvre impliquant un coût du travail plus faible,
2) l'accès à des marchés en expansion (cas des marchés émergents).
- Comme nous l'avons vu, la théorie économique s'est intéressée principalement à l'analyse de l'ouverture commerciale : la théorie des avantages comparatifs s'est développée sous une hypothèse d'immobilité internationale des capitaux, hypothèse que l'on retrouve également dans de nombreux modèles des "nouvelles" théories du commerce international. Toutefois, les analyses initiées par Paul Krugman dans le cadre de "l'économie géographique" ont permis de mettre en évidence des aspects de la mondialisation touchant à la fois à la mondialisation commerciale et à la localisation des firmes. C'est le cas en particulier des "effets d'agglomération" (voir le dernier paragraphe du document 2.1.a), dont une illustration est donnée par la "manufacturing belt" aux Etats-Unis dans les années 1950-60.
- voir l'exemple de l'I-phone
- III. Les limites de la mondialisation et la question du protectionnisme
- Les limites de la mondialisation fréquemment invoquées concernent les conséquences environnementales et les inégalités (entre les pays et au sein des pays).
- Concernant les inégalités entre les pays, alors que la théorie des avantages comparatifs considère le commerce international comme un jeu à somme positive (ne faisant que des gagnants), plusieurs analyses conduisent à une vision moins optimiste des effets de l'ouverture pour les pays "en retard".
Dans la perspective marxiste, le monde est représenté par des rapports de pouvoirs entre les pays : les pays capitalistes avancés dominent, économiquement et militairement, les pays pauvres. Ces derniers sont "exploités" : exploitation d'une main d'oeuvre bon marché, pillage des ressources naturelles. Cette exploitation peut notamment s'inscrire dans le cadre de la colonnisation. Elle peut aussi se réaliser par l'intermédiaire de l'implantation de firmes multinationales dans ces pays pauvres.
Moins radicalement, une idée assez répandue est celle selon laquelle l'ouverture commerciale d'un pays en retard risque d'enfermer celui-ci dans des spécialisations ne permettant pas le développement d'un appareil productif porteur de croissance à long terme. Cette idée se trouve notamment au coeur de la thèse dite du "protectionnisme éducateur" (Friedrich List) qui considère que les pays en retard ne peuvent développer un secteur industriel s'ils sont mis en concurrence avec des pays avancés, c'est-à-dire davantages dotés en capital et en technologie. List justifie ainsi les barrières douanières mises en place dans les pays allemands au moment de la constitution de l'union douanière de 1834 (Zollverein). La protection douanière doit permettre le développement de l'industrie, donc éviter que le pays reste cantonné dans la production de produits primaires. Ce protectionnisme est toutefois censé être temporaire : l'ouverture sur l'extérieur, donc la mise en concurrence avec les autres pays, peut se réaliser après la phase de rattrapage. L'idée de protectionnisme éducateur sera mobilisée également après la Seconde guerre mondiale pour justifier les barrières douanières dans des pays du "Tiers Monde". Elle peut aussi justifier certaines protections ciblées dans les pays avancés lorsqu'il s'agit de protéger des secteurs émergents, des industries naissantes.
- Pour le jeudi 22 mai, réfléchir à la question suivante : "Comment peut-on expliquer que, depuis la Seconde guerre mondiale, parmi les pays qui se sont ouverts sur l'extérieur, certains ont connu un décollage économique tandis que d'autres continuent aujourd'hui à faire partie des pays les moins avancés ?"
La Corée du Sud, à partir des années 1960, ou la Chine, à partir de 1978 et plus particulièrement dans les années 1990-2000, sont des exemples bien connus de pays qui ont connu un décollage économique associé à une tendance à l'ouverture sur l'extérieur. Bien que moins souvent mis en avant, les pays s'étant ouverts sur l'extérieur sans
bénéficier d'un processus de rattrapage économique sont cependant nombreux : Bangladesh, Haïti, Mali, Mozambique, etc. Par conséquent, l'observation historique ne permet pas de trancher clairement en faveur du libre-échange ou, au contraire, du protectionnisme, en particulier du "protectionnisme éducateur". Deux principaux éléments d'analyse doivent être pris en compte dans la compréhension ces différences de trajectoires économiques :
1) Dans les faits, la politique commerciale se caractérise par une tendance, à la l'ouverture ou à la fermeture, mais jamais par le libre-échange pur, tel qu'il est légitimé par exemple par la théorie des avantages comparatifs dans le domaine commercial. De plus, au-delà de la tendance, les spécificités nationales dans les modalités d'insertion dans l'économie mondiale sont nombreuses. Les exemples de la Corée du Sud et de la Chine illustrent parfaitement ce fait. Ces pays ne peuvent être qualifiés de pays libre-échangistes. Leur ouverture, tant dans le domaine commercial (barrières douanières) que financier (entrées et sorties de capitaux, notamment sous forme d'investissements directs à l'étranger), a été largement contrôlée, "gérée" par les pouvoirs publics, via des politiques industrielles, des politiques de change, des réglementations strictes en matière d'implantation de firmes étrangères, etc, qui ont toutes des spécificités particulières. Ainsi, il s'avère difficile d'affirmer empiriquement que l'ouverture sur l'extérieur serait systématiquement bénéfique ou néfaste économiquement pour les pays.
2) Le poids de l'ouverture sur l'extérieur dans la croissance et le développement économiques des pays est relativement faible. Si les pays dits émergents font souvent reposer, pour un temps, leur croissance économique sur les échanges avec l'extérieur (exportations, apports de capitaux étrangers, transferts de technologies, etc.), comme nous l'avons vu, les sources fondamentales de croissance économique se trouvent ailleurs. Sur le long terme, les clés de la prospérité d'un pays (une croissance et un développement pérennes) résident principalement dans la qualité de ses institutions, dans sa capacité à accumuler du capital humain et à innover ; autant de propriétés que l'ouverture sur l'extérieur est loin de pouvoir garantir.
- Chapitre 2 : La construction européenne
- I. De l'union douanière au marché unique
- II. L'intégration monétaire
- Chapitre 3 : Le développement durable
- I. La croissance économique est-elle soutenable ?
- II. Les instruments de la politique environnementale
- Annexe : Les politiques keynésiennes dans les trente glorieuses
Les politiques keynésiennes sont des politiques macroéconomiques conjoncturelles (politique monétaire, politique budgétaire) : elles visent à résorber les déséquilibres macroéconomiques de court terme (chômage, inflation) en agissant sur la demande (consommation, investissement), laquelle est censée déterminer les évolutions de l'activité économique (PIB) à court terme. La possibilité d'agir sur la consommation étant limitée (la consommation est supposée dépendre du revenu courant, donc de l'activité économique elle-même), c'est l'action sur l'investissement qui est privilégiée. Or, l'investissement étant supposé dépendre des taux d'intérêt (une baisse des taux d'intérêt facilite l'endettement qui permet de financer l'investissement), une politique monétaire expansionniste (baisse des taux d'intérêt dits "directeurs" de la banque centrale) est censée relancer l'activité économique et, par conséquent, diminuer le chômage conjoncturel. Toutefois, l'investissement dépend aussi de la confiance des entreprises dans l'avenir, notamment des perspectives de débouchés (le "climat des affaires") : dès lors, diminuer le coût de l'endettement (taux d'intérêt) peut ne pas stimuler l'investissement si les entreprises sont particulièrement pessimistes. Une politique budgétaire expansionniste peut alors accompagner la politique monétaire, voire se substituer à celle-ci. Une politique budgétaire expansionniste consiste à augmenter les dépenses publiques (autre composante de la demande globale) ou à diminuer les impôts (afin d'augmenter le revenu disponible des ménages, donc la consommation), ce qui implique de creuser le déficit budgétaire.
Contrairement à la dépression des années 1930, l'enjeu au cours de la période des trente glorieuses n'est plus seulement de relancer l'activité économique pour sortir de la dépression : les économies avancées sont proches du plein-emploi et la conjoncture est marquée par l'alternance de périodes récession (baisse de l'activité économique, augmentation du chômage) et de périodes d'expansion manifestement une "surchauffe" de l'économie (poussée de l'inflation, apparition d'un déficit commercial). Les politiques keynésiennes consistent alors à réguler la conjoncture en alternant les politiques expansionnistes (de relance) lorsqu'une récession se manifeste et des politiques restrictives (de stabilisation) afin de limiter l'inflation ou le déficit commercial : ces politiques contra-cycliques sont souvent appelées politiques de "réglage fin" (fine tuning) de la conjoncture. Aux Etats-Unis, par exemple, les politiques menées sous Kennedy puis Johnson ont été directement influencées par des économistes keynésiens (James Tobin, John Kenneth Galbraith) et ont consisté, dans la première moitié des années 1960, à creuser délibérément le déficit budgétaire (par des hausses de dépenses publiques puis des baisses d'impôts) afin de lutter contre la récession et la hausse du chômage, avant de s'orienter, à partir de 1966, vers des politiques plus restrictives dans un contexte de montée de l'inflation et de dégradation des comptes extérieurs (voir Document A.1).
Comme l'indique le document A.1. les politiques keynésiennes, qui semblaient relativement efficaces dans les trente glorieuses, vont se heurter à la crise des années 1970 : les autorités publiques se heurtent à un phénomène nouveau, la stagflation, d'où des hésitations et des résultats décevants, qu'il s'agisse des politiques de relance (qui renforcent l'inflation et les déficits commerciaux sans permettre une diminution du chômage) ou des politiques restrictives (qui accentuent le chômage sans entraver la poussée inflationniste). Deux éléments essentiels permettent de comprendre l'inefficacité des politiques keynésiennes dans les années 1970 et, dans le même temps, pourquoi le contexte des trente glorieuses favorisait au contraire leur efficacité :
1) Le premier élément est l'évolution du contexte international : à l'ouverture commerciale croissante (depuis les accords du GATT en 1947 et, en Europe, le traité de Rome de 1957) s'ajoutent l'éclatement du système de Bretton Woods (suppression de la convertibilité du dollar en or à partir de 1971 puis flottement, d'abord du dollar puis de manière plus générale, à partir de 1973) et, parallèlement, la mobilité croissante des capitaux (les débuts de la "globalisation financière"). De manière générale, les politiques keynésiennes se heurtent à la contrainte extérieure : une relance de la demande en économie ouverte se traduit par un déficit commercial (l'équilibre macroéconomique s'écrit Y+M=C+I+G+X et toute augmentation de la demande est satisfaite par la production domestique mais aussi par la production étrangère, donc par les importations, amenant à un déficit commercial). Dans les trente glorieuses, les changes fixes permettent aux autorités publiques de faire face aux déficits commerciaux récurrents par des dévaluations (comme dans le cas de la France ou du Royaume-Uni). Or, le contexte change dans les années 1970 : l'apparition d'un déficit commercial a tendance à susciter une dépréciation de la monnaie domestique mais aussi des fuites de capitaux qui précipitent la dépréciation. Cette dépréciation n'est alors plus un facteur de stabilisation des comptes externes (en stimulant les exportations, impliquant donc une résorption du déficit commercial) : la chute de la valeur externe de la monnaie a davantage comme effet de renchérir le coût des importations (de pétrole en particulier) que de stimuler les exportations, donc d'accentuer le déficit commercial et l'inflation importée.
2)
Par ailleurs, alors que la croissance des trente glorieuses était en partie "tirée" par la demande, le choc que les économies avancées subissent dans les années 1970 est un choc d'offre (choc pétrolier auquel il faut ajouter une chute de la productivité et une boucle prix-salaires qui renforcent l'augmentation des coûts et la baisse de rentabilité des entreprises) : la politique keynésienne, qui repose sur une régulation de la demande, s'avère inappropriée face à un choc de cette nature.
Ainsi, contrairement à l'idée qui s'était imposée dans les trente glorieuses selon laquelle les économistes (keynésiens) avaient trouvé le moyen de mettre fin aux cycles, donc aux crises, l'efficacité des politiques keynésiennes s'avère conditionnée par le contexte international et par les contraintes qui pèsent sur la rentabilité de l'offre.
Document 1.1.a.
Duflo, Hanna et Ryan (2012) se penchent quant à eux sur l'absentéisme des enseignants et proposent une expérimentation originale pour essayer de l'endiguer. En septembre 2003 en Inde, l'ONG Seva Mandir désigne aléatoirement 57 écoles pour faire partie du groupe test et 56 pour faire partie du groupe témoin dans la région d'Udaipur, au Rajasthan. Dans le premier groupe un appareil photo (qui date les clichés pris de manière inviolable) est remis à chaque instituteur. Pour être comptabilisé comme présent (les registres des écoles étant parfois falsifiés), il doit être pris en photo avec ses élèves au début et à la fin de chaque journée de classe, les deux photos devant être espacées d'au moins cinq heures. L'enseignant est payé en fonction du nombre de jours où il a été présent en classe dans le mois. Ceux du groupe témoin touchent, eux, un salaire fixe. Les résultats en termes de présence sont sans appel : l'absentéisme diminue de 21 points à la suite de ce programme (le taux de présence est de 58% dans le groupe de contrôle, contre 79% dans le groupe test). Des mesures quatre années après le lancement du programme, qui perdure, montrent que l'impact positif est toujours présent. Grâce à un protocole ingénieux, les auteurs arrivent à montrer que l'accroissement de la présence des instituteurs provient bien des incitations financières, et non de la simple vérification de leur présence grâce à l'appareil photo. De plus, le fait que les enseignants soient davantage présents dans les écoles du groupe test a un impact sur le niveau des élèves aux tests scolaires de fin d'année, qui est sensiblement plus élevé que celui du groupe témoin. Cette expérimentation pose des questionnements éthiques sur lesquels nous reviendront en fin d'ouvrage.
Source : Jatteau A., Les expérimentations aléatoires en économie, Repères, La Découverte, p.54.
Document 1.1.b : Gneezy et Rustichini (2000), "A Fine is a Price" (résumé + graphique)
L'hypothèse de dissuasion prédit que l'introduction d'une sanction pour
un comportement spécifique, toutes choses égales par ailleurs, affaiblira ce comportement. Nous présentons ici le résultat d'une expérience de terrain testant cette hypothèse. L'étude s'est déroulée dans un groupe de crèches en Israel.
Dans celles-ci, les parents arrivent parfois en retard pour récupérer leurs enfants,
obligeant un enseignant à rester après l'heure officielle de fermeture. Nous étudions le comportement des
parents sur trois périodes. Au cours des quatre premières semaines, nous enregistrons simplement le nombre
des parents en retard. Dans la deuxième période, douze semaines, nous introduisons un
amende pour les parents en retard. La conséquence a été que le nombre de parents en retard
a augmenté de manière significative. Au cours de la période suivante, de quatre semaines, nous avons observé l'effet de
l'annulation de l'amende. Ici, le résultat a été que le nombre de parents qui sont arrivés en retard
est resté stable au niveau qui s'était établi au cours de la deuxième période, c'est-à-dire un niveau supérieur à celui qui était en vigueur au cours de
la première période, avant l'introduction de l'amende.
Nos résultats ne sont pas immédiatement des preuves contre l'hypothèse de dissuasion.
Au lieu de cela, nous affirmons que des pénalités, (tout comme des récompenses), sont généralement introduites dans le cadre d'un contrat incomplet, social ou privé. Ces sanctions peuvent modifier l'information ou
la perception que les agents ont du résultat dans les situations où le contrat est
implicite, et donc l'effet sur le comportement peut être opposé à celui prévu. Si cela s'avère exact,
l'hypothèse de dissuasion perd une grande partie de sa force prédictive, puisque la clause "toutes choses égales par ailleurs" pourrait être difficile à satisfaire ou à vérifier.
Source : https://www.researchgate.net/publication/2587744_A_Fine_is_a_Price
Document 1.2.a : Tereos, à la fois un monopole et un monopsone à La Réunion !
1) Le monopole sur le marché de la mélasse (et la sanction pour abus de position dominante)
La mélasse est un produit qui résulte de la production du sucre de canne. Elle est notamment utilisée par les distilleries de La Réunion pour produire de l’alcool, et tout particulièrement du rhum traditionnel (ou rhum de sucrerie).
Tereos Océan Indien (TOI) possède les deux seules sucreries actives à La Réunion. Elle est, à ce titre, le seul fournisseur de mélasse produite à partir de canne à sucre locale. Or cette mélasse est indispensable pour chacune des trois distilleries de l’île, afin qu’elles puissent produire, sous indication géographique contrôlée, le Rhum de La Réunion.
Dans ses contrats, TOI a inséré deux clauses limitant la faculté des distilleries de sortir de leur relation contractuelle avec l’entreprise sucrière :
-
la première clause fixe une indemnité financière de 5 millions d’euros pour la distillerie souhaitant dénoncer le contrat ;
- la seconde clause limite la capacité des distilleries de revendre la mélasse sur le marché réunionnais. [...]
Ces pratiques sont graves. Les clauses insérées ont donné un caractère quasi-perpétuel au contrat. Les pratiques ont, par ailleurs, porté sur une part importante du marché de la mélasse locale vendue aux distilleries (90 à 95 %), et elles ont duré 8 ans, de la date de signature du contrat en décembre 2012 à juillet 2020, date à laquelle les griefs ont été notifiés. [...]
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’Autorité a prononcé une sanction de 750 000 euros à l’encontre de Tereos Océan Indien.
Source : Autorité de la concurrence, 3 novembre 2021.
2) Le monopsone sur le marché de la canne
Ce lundi matin, lors des premières livraisons, les planteurs se sont vu imposer une charte non conforme selon la CGPER [Confédération Générale des Planteurs et Eleveurs de La Réunion], qui dénonce l’attitude et la position dominante de l’usinier Téréos dans un courrier adressé au préfet de La Réunion :
Monsieur Le Préfet,
Nous avons la difficile mission et l'honneur d'attirer votre attention sur la «SCANDALEUSE ATTITITUDE DU SEUL USINIER DE LA REUNION» Téréos qui cherche une fois de plus la confrontation brutale avec les planteurs et le blocage des livraisons de cannes.
Après deux semaines d'atermoiements liés à la position dominante de l'Usinier TEREOS, et pour donner suite à leur demande extravagante de changer le protocole de campagne, les planteurs sont une nouvelle fois victime de l'Usinier.
Ce matin lors des premières livraisons des planteurs Téréos; cherche à imposer une charte de livraison à chaque planteur se présentant aux balances de ses usines et ce avant l'échantillonnage du CTICS [Centre Technique Interprofessionnel de la Canne et du Sucre] sur lequel la profession s'est entendue, après deux semaine de perte de temps inutile et qui a déjà pénalisé ceux qui avait coupé leur canne en prévision de l'ouverture de la Campagne sucrière...
Source : Zinfos974, 6 juillet 2020.
Document 1.3.a : La croissance économique des trente glorieuses présentée par les historiens et par les économistes
Extrait d'un manuel d'HGG (éditions Ellipses) |
Extrait d'un manuel d'ESH (éditions Dunod) + tableau. |
Le modèle productif d'avant-guerre, de type fordiste, se perfectionne grâce à un effort d'investissement sans précédent, qui atteint son maximum dans la décennie 1960, durant laquelle la productivité horaire double. Par ailleurs, les idées keynésiennes se sont diffusées auprès des économistes. L'État dirige la reconstruction et garde un rôle régulateur. Il pratique la planification incitative, avec des organes comme le Commissariat au Plan en France (1946), le MITI (Ministère de l'Industrie, de l'Industrie et du Commerce Extérieur, 1949) au Japon, ou l'IRI (Institut pour la Reconstruction Industrielle, 1933) en Italie. Il nationalise dans des secteurs clés (énergie, transports, banque). Il joue également un rôle social en déclinant le concept d'État-providence (Welfare State) développé pendant la guerre. La vitalité démographique des PDEM contribue au succès du modèle, tant en quantité (les États-Unis gagnent 100 millions d'habitants en trois décennies, le Japon 35 millions), qu'en qualité (la main-d'œuvre est mieux formée et en meilleure santé). Enfin, la qualité du tissu entrepreneurial, composé de groupes géants sur le modèle américain (notamment en Italie, au Japon ou en RFA), ainsi que d'un efficace réseau de PME (Italie, France), favorise l'investissement, facilite les exportations et assure l'offre d'emploi.
Les limites du modèle apparaissent cependant à la fin des années 1960, alors que la productivité ralentit et que la croissance devient moins régulière. Les PDEM sont devenus de très gros consommateurs d'énergie, ce qui les rend dépendants d'approvisionnements extérieurs (en 1973, en Italie, 75% des besoins énergétiques sont couverts par des importations de pétrole). Le secteur tertiaire, qui a absorbé des emplois disparus dans le secteur primaire, est insuffisamment modernisé et la haute croissance a un coût social, humain et environnemental. Enfin, la génération du baby-boom arrive sur un marché du travail dans lequel le volume d'emplois nécessaire est insuffisant |
Rapidement, les économistes ont cherché à décomposer la croissance du produit global entre deux éléments: la contribution des facteurs de production et un résidu. Le taux de croissance du PIB attribué à un facteur est égal au taux de croissance de ce facteur pondéré par sa part dans le PIB. La différence entre le taux de croissance observé et la contribution de tous les facteurs est le résidu ou taux de croissance de la productivité globale des facteurs (PGF ou productivité multifactorielle). Une fois déduite la contribution de l'investissement et de la croissance de la population active, le résidu regroupe celle des innovations et du progrès technique à la croissance.
Les travaux de R. Solow (1958) couvrant l'économie américaine dans la première moitié du xx siècle montrent que l'augmentation de la production par travailleur est expliquée à 80% par la PGF. « Mesure de notre ignorance» (M. Abramowitz, 1972) car il représente un paramètre exogène que le modèle ne parvient pas à expliquer, le résidu joue un rôle fondamental dans la croissance des pays avancés durant l'après-guerre, en particulier dans les pays européens en phase de rattrapage qui ont bénéficié des transferts de technologie en provenance du pays leader, les États-Unis. Ces derniers enregistrent un taux de croissance de 3,4% par an entre 1966 et 1970, contre 5% pour l'Europe à 15. Les trois quarts des performances économiques européennes s'expliquent par les gains de productivité multi- factorielle (contre la moitié aux États-Unis), alors que la contribution du travail est néga- tive en raison de la scolarisation massive et de la baisse de la durée du travail. L'étude de J.-J. Carré, P. Dubois et E. Malinvaud (1972) portant sur la France montre que la PGF explique 50% de la croissance sur la période 1951-1969, soit 2,5% sur 5% de croissance annuelle.

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Document 1.3.b : la typologie des institutions de Dani Rodrik et la question de l'universalité des "bonnes" institutions
La plupart des travaux récents sur les institutions
et la croissance économique insistent sur l’importance
d’un groupe particulier d’institutions, à savoir
celles qui protègent les droits de propriété et qui garantissent l’exécution des contrats. On
pourrait les appeler institutions créatrices de marchés,
puisqu’en leur absence, les marchés n’existent
pas ou fonctionnent très mal. Mais le développement économique à long terme exige plus qu’une
simple stimulation de l’investissement et de l’esprit
d’entreprise. Il faut aussi mettre en place trois
autres types d’institutions pour soutenir la dynamique
de croissance, renforcer la capacité de résistance
aux chocs et faciliter une répartition des
charges socialement acceptable en cas de chocs.
On pourrait parler d’institutions :
• de réglementation des marchés, qui s’occupent
des effets externes, des économies d’échelle et des
informations imparfaites. Ce sont, par exemple,
les organismes de réglementation des télécommunications,
des transports et des services financiers.
• de stabilisation des marchés, qui garantissent une inflation
faible, réduisent au minimum l’instabilité macroéconomique et évitent les crises financières. Ce sont, par exemple, les banques
centrales, les régimes de change et les règles budgétaires.
• de légitimation des marchés, qui fournissent une protection
et une assurance sociales, organisent la redistribution et gèrent
les conflits. Ce sont, par exemple, les systèmes de retraite, les
dispositifs d’assurance chômage et autres fonds sociaux.[...]
En fait, il est de plus en plus évident que les dispositifs institutionnels
souhaitables sont largement influencés par des spécificités
contextuelles qui résultent de différences historiques,
géographiques et politico-économiques, entre autres conditions
initiales. Ceci expliquerait pourquoi les pays en développement
qui obtiennent de bons résultats combinent presque
toujours des politiques conventionnelles et non conventionnelles.
L’Asie de l’Est a combiné une politique orientée vers
l’extérieur et une intervention dans l’industrie. La Chine a
greffé une économie de marché sur une économie planifiée
plutôt que d’éliminer totalement la planification centrale.
L’île Maurice a mis en place des zones franches industrielles
plutôt que d’opérer une libéralisation générale. Même le Chili
a combiné une réglementation des mouvements de capitaux et
une politique économique plutôt conventionnelle par ailleurs.
Ces variations pourraient aussi expliquer pourquoi des différences
institutionnelles majeures — dans le rôle du secteur
public, la nature des systèmes juridiques, le gouvernement
d’entreprise, les marchés de capitaux, le marché du travail et
les dispositifs d’assurance sociale, entre autres — persistent
dans les pays avancés d’Amérique du Nord et d’Europe occidentale,
ainsi qu’au Japon. En outre, il se peut que des choix
institutionnels qui donnent de bons résultats dans un pays
soient inappropriés dans un autre qui ne dispose pas des
normes d’accompagnement et des institutions complémentaires.
En d’autres termes, les innovations institutionnelles ne
s’exportent pas nécessairement bien.
Source : Rodrik D. et A. Subramanian (2003), "La primauté des institutions", Finances et Développement, juin 2003.
Document 1.3.c : La "malédiction des ressources naturelles"
Selon la théorie de la « malédiction des ressources », [...] un nombre croissant de pays pauvres risquent de souffrir des nombreux travers associés à la richesse du sous-sol : État rentier, corruption et lutte violente pour la captation de la rente, dégâts environnementaux, manque de diversification économique, vulnérabilité face à la volatilité des cours, faiblesse des institutions étatiques, inégalités croissantes, etc. [...]
Depuis la fin de la guerre froide, de nombreux chercheurs ont mis en relief l’impact négatif, pour les pays producteurs, d’une stratégie de développement centrée sur l’exploitation de ressources naturelles. Dans un ouvrage paru en 1993, l’économiste britannique Richard Auty aurait le premier utilisé l’expression « malédiction des ressources » pour décrire un paradoxe apparent : les pays en développement dotés d’abondantes ressources extractives (pétrole, gaz et minerais) affichent de moins bonnes performances que les pays dépourvus de ressources, que ce soit en termes de croissance économique, de gouvernance ou d’indicateurs sociaux. [...] Depuis lors, la littérature a mis l’accent sur une variété de facteurs économiques, politico-institutionnels et socio-environnementaux pour expliquer ce phénomène. [...]
Une majorité d’études récentes incite au pessimisme quant aux perspectives de développement durable dans les États fragiles qui font face à un boom minier ou pétrolier. Toutefois, quelques pays en développement ont su tirer parti de la richesse de leur sous-sol pour lutter contre la pauvreté avec un certain succès, comme le Chili, l’Indonésie ou la Malaisie. Un siècle plus tôt, l’Australie, le Canada et les États-Unis ont utilisé leurs matières premières pour soutenir le processus d’industrialisation. Autre exemple, le Botswana est devenu le champion mondial de la croissance économique durant les trois dernières décennies du xxe siècle grâce à l’exploitation du diamant, en même temps que la Sierra Leone sombrait dans un conflit meurtrier pour partie causé et financé par les « diamants du sang ». Ainsi, la « malédiction des ressources » n’est pas une fatalité. Elle peut être contrée par des politiques publiques ciblées, pour autant que le cadre institutionnel leur soit favorable.
Source : Carbonnier, G. (2013). "La malédiction des ressources naturelles et ses antidotes". Revue internationale et stratégique, 91, 38-48.
Document 1.3.d : Deux présentations des causes de la crise de 1929
Extrait d'un manuel d'HGG (éditions Ellipses) |
Extrait d'un manuel d'ESH (éditions Armand Colin) |
L'analyse des causes de cette grande dépression demeure encore aujourd'hui l'objet de débats entre économistes. Certains l'analysent comme étant le résultat des déséquilibres financiers (endettement des États) des années 1920. D'autres évoquent les conséquences soit d'une surproduction soit d'une sous-consommation. Les erreurs de la politique américaine sont souvent mises en cause, les États-Unis se refusant à exercer un rôle régulateur dans le domaine financier conforme à leur nouveau rang mondial. Les débats actuels portent aussi sur l'ampleur du rôle joué par la diffusion de la crise depuis les États-Unis vers le reste du monde. Il apparaît aujourd'hui que le krach n'est pas le point de départ. Dès 1927-1928, la production industrielle connaît des difficultés en Allemagne, au Japon, en Australie. Dans le cas de la France, historiens et économistes admettent l'idée de difficultés précoces (dès 1926 pour l'industrie textile), liées aux blocages internes du capitalisme français. |
La crise de 1929 a été l'occasion d'un débat particulièrement vif au sein de la communauté des économistes. Certains libéraux, à l'image de J. Rueff (1896-1978) en France ou L. Robbins (1898-1984) en Grande-Bretagne, considèrent que la crise correspond à une correction nécessaire du marché suite à une série de dysfonctionnements accumulés durant la décennie 1920, notamment en matière d'intervention de l'Etat (le système d'assurance chômage en Angleterre est, selon Rueff, responsable du "chomage permanent"). Ils considèrent ainsi que c'est par une politique de libéralisation des marchés que les effets de la crise seront abrégés. [...] C'est à partir des travaux de J.M. Keynes que le débat rebondi sur le plan scientifique. Celui-ci fonde en effet sa Théorie générale sur l'explication de la crise et montre que la régulation par le marché aggrave la récession par la diminution de la demande effective ce qui conduit à maintenir durablement l'économie dans un equilibre de sous-emploi. Les travaux de Keynes [...] ont également incité des auteurs issus de la théorie néoclassique à proposer des modèles alternatifs robustes. C'est ainsi que M. Friedman (1912-2006) analyse la crise à partir de causes monétaires. Il montre [...] que trop de monnaie était disponible dans les années qui précèdent la crise et, inversement, insuffisamment durant les années 1930.
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Document 2.1.a : Les 3 grandes périodes de l'histoire du commerce mondial depuis la Révolution industrielle en fonction du rôle relatif des avantages comparatifs et des économies d'échelle
"J'aime commencer les cours sur le commerce international en expliquant aux étudiants qu'il existe deux explications fondamentales du commerce international. La première est l'avantage comparatif, qui stipule que les pays commercent pour tirer parti de leurs différences [...]. La seconde est la théorie des rendements croissants, qui stipule que les pays commercent pour tirer parti des avantages inhérents à la spécialisation, qui permet la production à grande échelle – ce qui est l'objet même de la « nouvelle théorie du commerce international ».
J'aime aussi illustrer ces concepts par l'expérience quotidienne. Les illustrations courantes de l'avantage comparatif sont, bien sûr, un élément essentiel des manuels d'introduction : pourquoi les stars du sport ne devraient pas tondre leur propre pelouse, etc. Mais il est tout aussi facile d'illustrer le rôle des rendements croissants. Même si deux personnes sont aussi aptes à occuper les rôles de spécialiste des fusées que de neurochirurgien, il est logique que l'une se spécialise en chirurgie et l'autre en fusées, car maîtriser l'une ou l'autre de ces compétences nécessite des années d'études, et il serait inutile que les deux personnes maîtrisent les deux disciplines.
Jusqu'ici, tout va bien. Mais j'ai aussi généralement lié cette brève explication de la théorie du commerce à une version condensée de l'histoire économique mondiale, présentée sous forme de pièce en trois actes : la chute et la montée de l'avantage comparatif. L'acte I se déroule ainsi : avant la Première Guerre mondiale, il existait un niveau élevé de commerce mondial, et ces échanges correspondaient assez bien au paradigme de l'avantage comparatif ; ils s'opéraient principalement entre des pays très différents exportant des biens très différents. Le commerce britannique, en particulier, consistait principalement à exporter des produits manufacturés et à importer des matières premières. Par conséquent, la majeure partie des échanges se faisait avec des exportateurs de produits primaires qui affichaient soit des ratios terre/main-d'œuvre bien plus élevés, soit un niveau de développement économique bien inférieur.
Cette première économie mondiale fut en grande partie démantelée par les guerres et le protectionnisme. L'acte II se concentre sur la reprise du commerce après la Seconde Guerre mondiale, qui prit une forme très différente. Une grande partie de la croissance des échanges résultait d'accords de libéralisation entre pays avancés, de sorte que les échanges entre pays similaires en vinrent à dominer les flux globaux. Et une grande partie de ces échanges entre pays similaires consistait également en des échanges de biens similaires – des échanges intrabranches – principalement motivés par la spécialisation due aux rendements croissants [...]. La nouvelle théorie du commerce international – ou, comme mes étudiants ont tendance à l'appeler, l'ancienne nouvelle théorie du commerce international – a commencé par utiliser des modèles de concurrence monopolistique pour donner un sens à cet échange similaire-similaire [...].
Enfin, dans l'acte III, l'avantage comparatif a fait son retour. La libéralisation des échanges dans les pays en développement a entraîné une forte augmentation des échanges Nord-Sud, ce qui signifie qu'une grande partie du commerce mondial s'est à nouveau déroulée entre des pays très différents. Cependant, contrairement à l'avant-Première Guerre mondiale, les pays en développement n'exportaient pas principalement des produits primaires, mais plutôt des produits manufacturés à forte intensité de main-d'œuvre. Ce commerce a pu connaître une telle croissance en partie grâce à la réduction des coûts de transport qui a permis de fragmenter la production en étapes à forte intensité de main-d'œuvre et en étapes à forte intensité de compétences (skill-intensive) [...]. Ainsi, le commerce mondial actuel, comme celui d'avant la Seconde Guerre mondiale, est largement déterminé par l'avantage comparatif, les pays échangeant pour tirer parti de leurs différences.
Comme je l'ai dit, c'est l'histoire que moi-même et beaucoup d'autres racontons depuis un certain temps. Et elle est juste à bien des égards. Je crois cependant aujourd'hui qu'elle omet un point important : le rôle clé joué par les rendements croissants, principalement sous la forme d'économies externes localisées, même lorsque la structure générale des échanges reflète un avantage comparatif. Ces externalités localisées ont joué un rôle important dans l'économie mondiale du début du XXe siècle, et elles jouent, si tant est qu'il en soit ainsi, un rôle encore plus important aujourd'hui."
Source : Krugman P. (2009), "Increasing returns in comparative advantage world"
Document 5 : L'entropie et l'inéluctabilité de la décroissance selon Georgescu-Roegen
[I]l faudra attendre les années 1970 pour que la prise de conscience écologiste vienne bousculer les théories économiques hétérodoxes. L'année 1971 [...] paraît The Entropy Law and the Economic Process, du mathématicien et économiste roumain Nicholas Georgescu-Roegen. Ce livre, peu diffusé à l'époque, remet en cause tous les fondements de la science économique et définit les contours d'un nouveau paradigme respectueux de l'environnement. Ainsi, le temps (re)devient irréversible et unidirectionnel. Les fonds (potentiellement renouvelables) sont distingués des stocks (limités et non renouvelables, et à l'origine d'un flux d'énergie-matière). Nicholas Georgescu-Roegen applique à la réflexion économique le deuxième principe de la thermodynamique, qui affirme la dégradation de l'énergie. Celle-ci passe de formes concentrées et aptes à fournir un travail à des formes diffuses, et cela de manière irréversible. Un phénomène appelé entropie. L'entropie d'un système fini et fermé, en l'absence d'intervention extérieure, reste au moins constante ou tend à augmenter. "L'entropie d'un système clos augmente continuellement (et irrévocablement) vers un maximum ; c'est-à-dire que l'énergie utilisable est continuellement transformée en énergie inutilisable jusqu'à ce qu'elle disparaisse complètement" [Georgescu-Roegen, 1995, p. 81-82]. Prenons un exemple : pour faire marcher une locomotive à vapeur, il faut brûler du charbon. La chaleur ainsi dégagée est irrémédiablement perdue comme source de puissance mécanique. Et l'activité économique, parce qu'elle consomme de la matière et de l'énergie, accélère le processus d'entropie. Pour Nicholas Georgescu-Roegen, nous n'avons donc pas d'autre choix que de décroître.
Source : Lalucq, A. (2013). Economistes et écologie : des physiocrates à Stiglitz. L'Économie politique, 58, 35-52. https://doi.org/10.3917/leco.058.0035
Document 6 : Consommation et revenu disponible des ménages
 
Source : Insee (https://www.insee.fr/fr/statistiques/2385829 et https://www.insee.fr/fr/statistiques/2830244)
Document 7 (Synthèse sur Hyman Minsky, réalisée par Leïna Galaor, ECG1 2023-2024)
Hyman MINSKY (1919-1996)
• économiste américain
• doctorat à l’université d’Harvard (sous la direction de Joseph Schumpeter puis de Wassily Leontief)
• Influencé par le travail de Keynes, postkeynésien
• Publie un livre en 1986 dans lequel il développe l’"Hypothèse d’instabilité financière"
Résumé de la thèse de Minsky
Logique du marché repose sur l’instabilité des systèmes financiers, il explique que les krach financiers doivent être réguliers et sont pas dus à des causes exogènes, mais aux logiques du marché qui seraient donc à l’origine des crises
Le livre a été repris lors de la crise de 2008.
La croissance porterait les causes, les germes de la crise : c‘est le "paradoxe de la tranquilité".
L'auteur distingue
trois périodes :
• finance prudente / phase d’expansion : optimisme limité et restriction des crédits. Les gains attendus par les offres d’investiisement sont supérieurs à la demande
• essor de la finance spéculative : la croissance augmente grâce à une forte consommation et beaucoup d’investissement, la rémunération des premiers investisseurs et les comportements de dépense sont vecteurs d’augmentation des prix des actifs (consommateurs), création d’une bulle financière.
• L'excès d'optimisme pousse à l'excès d'endettement, amenant à la "finance PONZY".
Le
"Moment MINSKY" se profile alors : avec le développement de l’inflation, car la demande ne cesse d’augmente, les taux d’intérêt deviennent difficiles à assurer, c’est donc le moment de se désendetter. C’est la fin de la tranquilité. La bulle financière éclate lorsque le fossé entre la valeur boursière des titres et la valeur réelle des action devient intenable. La seule solution pour stopper l'effondrement de l'économie est l'intervention de la banque centrale qui alimente le système économique en liquidités.
Document 8 : Krugman P. (2009), "Increasing returns in a comparative advantage world" (extraits)
I like to begin classes on international trade by telling students that there are two basic explanations of international trade. The first is comparative advantage, which says that countries trade to take advantage of their differences [...]. The second is increasing returns, which says that countries trade to take advantage of the inherent advantages of specialization, which allows large-scale production – which is what the “new trade theory” was all about.
[...] I have also usually tied this potted explanation of what trade theory is all about to a potted version of world economic history as a play in three acts: the fall and rise of comparative advantage.
Act I goes as follows: before World War I there was a high level of
world trade, and this trade fitted the comparative advantage paradigm pretty well; it was mainly between very different countries exporting very different goods. British trade, in particular, was mainly a matter of exporting manufactured goods and importing raw materials, and as a result most of the trade was with primary-product exporters that either had much higher land-labor ratios or were at a much lower level of economic development.
This first global economy was largely dismantled by wars and protectionism.
Act II focuses on the recovery of trade after World War II, which took a very different form. Much of the growth of trade was the result of liberalization agreements among advanced countries, so that trade between similar countries came to dominate overall flows. And much of this trade between similar countries was also trade in similar goods – intraindustry trade – driven mainly by specialization due to increasing returns [...].
Finally, in Act III comparative advantage staged a comeback. Trade liberalization in developing countries led to a sharp rise in North-South trade, which meant that once again much of world trade was taking place between very different countries. Unlike in the pre-WWI era, however, developing countries weren’t mainly exporting primary products. Instead, they were exporting labor-intensive manufactures. This trade was able to grow so much in part because reductions in transport cost made it possible to fragment production into labor-intensive and skill-intensive stages [...]. So trade in today’s world, like trade before World War II, is largely driven by comparative advantage, in which countries trade to take advantage of their differences.
Document 9 : Rodrik D. (2001), "Les mirages de l'ouverture extérieure" (extraits)
La Corée du Sud, Taiwan et les autres pays de l'Asie de l'Est étaient libres de faire ce qu'ils voulaient, et ils ne s'en sont pas privé. Ils ont combiné leur confiance dans le commerce avec des politiques non orthodoxes - subvention des exportations, imposition de quotas de production locale, liens entre les exportations et les importations, non-respect des brevets et des droits d'auteur, restriction des mouvements de capitaux (y compris des investissements directs étrangers), crédit orienté, etc. - qui sont, soit exclues par les règles actuelles, soit hautement désapprouvées. Pour les candidats actuels à la mondialisation, l'environnement est totalement différent. [...]
On a en fait de bonnes raisons d'être sceptique sur l'existence d'une relation générale, sans ambiguïté, entre l'ouverture commerciale et la croissance. La relation est probablement contingente ; elle dépend de quantité de caractéristiques, les unes propres au pays, les autres externes. Le fait que la plupart des pays développés ont commencé leur croissance derrière des barrières douanières, et n'ont réduit leur protection que par la suite, nous offre sûrement quelque chose qui ressemble à un indice. [...]
Aucun pays n'a réussi son développement en tournant le dos au commerce international et aux mouvements de capitaux à long terme. [...] Mais il est également vrai qu'aucun pays ne s'est développé grâce à une simple ouverture aux échanges commerciaux et aux investissements étrangers. La recette, pour ceux qui ont réussi, a été de combiner les chances offertes par les marchés mondiaux avec une stratégie d'investissement national et de renforcement institutionnel, afin de stimuler l'ardeur des entrepreneurs locaux. Dans pratiquement tous les cas remarquables - Asie de l'Est, Chine, Inde depuis le début des années 80 -, on trouve une ouverture partielle et progressive aux importations et aux investissements étrangers. [...]
En bref, l'utilisation stratégique du commerce international et des mouvements de capitaux fait partie de la stratégie de développement ; elle ne la remplace pas.
Document A.1 : Les politiques conjoncturelles des trente glorieuses à la crise des années 1970
"La diffusion de la doctrine keynésienne fait de l'État [dans les trente glorieuses] le gardien de la prospérité. La mise en place de comptabilités nationales lui permet d'identifier immédiatement les fluctuations de l'économie, à travers l'évolution de l'investissement, de la production, de la consommation, des prix et des salaires. En cas de ralentissement, les pouvoirs publics peuvent relancer la demande en réduisant les taux d'intérêt et le poids des impôts, et en augmentant les dépenses budgétaires. En cas d'emballement de la croissance et de tensions inflationnistes, il leur suffit d'inverser les leviers, c'est-à-dire de relever le loyer de l'argent et d'imposer une austérité budgétaire. La régulation conjoncturelle vise à «lisser la courbe», en rendant la croissance la plus régulière possible. [...]
Tous les gouvernements concernés par la crise économique et sociale [des années 1970] sont confrontés à un dilemme : privilégier des politiques de rigueur pour lutter contre le déficit commercial et la dérive inflationniste ou s'engager dans des politiques de relance pour soutenir les secteurs en difficulté et empêcher la marée noire du chômage de progresser. La France, par exemple, choisit successivement la rigueur avec le plan Fourcade en 1974, la relance avec le plan Chirac en 1975 puis de nouveau la rigueur avec le plan Barre à partir de 1976. Les Etats-Unis privilégient les mesures expansionnistes jusqu'à la fin de 1978, quand le Président Carter engage un freinage des prix et des salaires, et un contrôle strict de la masse monétaire. Confronté à une hausse des prix de 20% en 1974, le Japon doit recourir à un plan de refroidissement en 1975, suivi d'une politique de modération de la demande. Le Royaume-Uni passe d'une politique de relance en 1974 à un plan d'austérité en 1976, renforcé par Margaret Thatcher dès son arrivée au pouvoir, en 1979. Fidèle à sa tradition, la RFA privilégie d'abord la lutte contre l'inflation et la défense de la monnaie. En réalité, tous ces plans comportent des effets pervers qui expliquent les nombreux revirements. Les politiques de rigueur sont impopulaires et ont pour effet de nourrir la crise et d'aggraver le chômage sans vraiment freiner l'inflation. Les politiques de relance se révèlent encore plus décevantes. Dans un contexte de libre-échange en Europe et de fortes réductions de protections douanières dans le monde, la relance risque de profiter davantage aux fournisseurs étrangers qu'aux nationaux. Elle aggrave les «déficits jumeaux» (déficits commercial et budgétaire) et, en régime de flottement monétaire généralisé, elle nourrit une dépréciation rapide de la monnaie, comme la baisse du dollar au long de la décennie ou l'affaiblissement du franc lors de la relance de 1975. Seule la RFA peut se targuer de réussite, au point de réaliser un nouveau «miracle économique»: elle limite l'effet inflationniste grâce à la hausse de sa monnaie qui annule le choc pétrolier; elle maintient son activité et accentue même son excédent commercial grâce aux exportations massives de biens d'équipement, notamment vers le Moyen-Orient. Tirée par les exportations, la croissance permet de limiter le chômage. Mais partout ailleurs, les résultats sont modestes. La reprise qui s'amorce à partir de 1976 ne débouche que sur une croissance molle, insuffisante pour rétablir le plein-emploi et brisée dès 1979 par l'irruption d'un deuxième choc pétrolier."
Source : Régis Benichi (dir.), Les Grandes mutations du monde au XXe siècle ,éditions Nathan.
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